lundi 8 novembre 2010

Pierre Bourdieu / le temps de la photographie

P33 « (…) Plus précisément, la photographie aurait pour fonction d’aider à surmonter l’angoisse suscitée par l’écoulement du temps, soit en fournissant un substitut magique de ce que le temps a détruit, soit en suppléant aux défaillances de la mémoire et en servant de point d’appui à l’évocation des souvenirs associés, bref, en donnant le sentiment de vaincre le temps comme puissance de destruction (…) » [citant une « étude psychologique de la photographie » réalisée par un organisme spécialisé dans les études de marché et de motivation]

P59 « (…) les rares photographies originales ou apparemment inspirées par un intérêt intrinsèque pour la photographie sont, la plupart du temps, une fantaisie que l’on s’accorde par surcroît, une fois faites les photographies à faire ou parce que l’on veut plus vite donner le rouleau à développer. (…) »

P111 « (…) Mais c’est dans sa dimension temporelle que se révèle tout le paradoxe de la photographie populaire. Coupe instantanée dans le monde visible, la photographie fournit le moyen de dissoudre la réalité solide et compacte de la perception quotidienne en une infinité de profils fugaces (…), de saisir (…) des aspects imperceptibles parce qu’instantanés du monde perçu (…) »

Pp63-64 « (…) Tant que la pratique n’est que photographie du photographiable, elle est enchaînée à ces lieux et à ces moments qui, aux deux sens du mot, la déterminent. [Au contraire de] (…) l’attitude artistique (…) définissant elle-même le principe de ses choix, se détermine en déterminant ses objets (…) »

P225 « (…) Le temps de l’inspiration se concilie mal avec la succession des moments de la fabrication. Il faut en effet, situer la création artistique dans une durée dont les moments successifs s’interpénètrent pour concilier le caractère instantané de l’inspiration avec la longueur des opérations au travers desquelles elle doit se manifester. (…) Pour le photographe (…) le procédé technique, imposant l’exécution successive d’opérations distinctes et discontinues, implique nécessairement un certain type de succession temporelle qui introduit des ruptures dans l’évolution de la création. (… ) »

P235 « (…) On peut se demander, par exemple, si les vieilles photographies ne doivent pas leur valeur évocatrice à l’oubli et au dépaysement qui font disparaître le foisonnement des significations suggérées au profit d’une signification unique, l’ancienneté ou le désuet. (…) »

Pierre Bourdieu et L. Boltanski, R. Castel, JC Chamboredon / Un art Moyen, essai sur les usages sociaux de la photographie / deuxième édition / les éditions de minuit / 1965

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